Actualités
Médication et bien-être chez le cheval athlète
Bien être équin

Médication et bien-être chez le cheval athlète

Publié le 12 Juil. 2022
Image
Médication et bien-être chez le cheval athlète

Dossier #RaceAndCare

Les Sociétés Mères, France Galop et Le Trot, veillent, en relation permanente avec le Ministère de l’Intérieur, à la régularité des courses à travers des règles strictes et des contrôles rigoureux concernant notamment les médications administrées aux chevaux de course. Toutes les courses sont contrôlées, conformément au protocole prévu dans le Code des courses. En complément, des prélèvements sont également réalisés en dehors des hippodromes, notamment sur les centres d’entraînement.

Les entraîneurs ont le devoir de soigner leurs chevaux en cas de blessure ou de maladie, afin qu’ils soient en parfaite condition pour s’entraîner et participer aux compétitions. Mais tous ces soins doivent être prodigués avec transparence, en respectant les délais et indications d’administration requis et sans jamais recourir à des substances prohibées par les Codes des courses des Sociétés Mères ou par le Code de la santé publique.

Il en va de l’intégrité des compétitions, mais également du respect du bien-être animal : les traitements administrés ne doivent pas rendre possible le maintien en course ni même à l’entraînement d’un cheval présentant des affections incompatibles avec l’effort demandé. Ils doivent encore moins encourager un cheval à dépasser ses limites physiques et donc ses performances naturelles.

Le travail d’équipe entre l’entraîneur et le vétérinaire vise donc à concilier recherche de la performance, santé et bien-être des chevaux. Plusieurs intervenants nous partagent leur vision de cette relation.

« La médication ne doit pas intervenir sans raison » Xavier DECAUDIN (entraîneur de trotteurs) 

Xavier DECAUDIN
Xavier DECAUDIN - entraîneur de trotteurs
  • En quoi la médication peut-elle s’inscrire dans le bien-être des chevaux de course ?

X.D : Si l’entraînement est adapté, ainsi que la nourriture, la médication n’est pas obligatoire sportivement parlant. Cela doit suffire à amener le cheval en parfaite condition physique. Comme tout être vivant, les chevaux peuvent être atteints d’une maladie, d’un virus, d’une bactérie. A ce moment, il faut les soigner ; mais cela ne sort pas de ce cadre-là.
Les « infiltrations » pour des douleurs relèvent du domaine de la réparation. Cela signifie que l’on a été trop loin dans la limite physique du cheval et qu’un soin est nécessaire. Mais l’entraînement doit alors être suspendu ou alors on rentre dans des excès.

  • Quels sont les dérives que l’on pourrait observer ?

X.D : J’ai fait partie de la Commission du Code lors de la mandature précédente et j’ai pu observer qu’il y a des traitements antibiotiques parfois hallucinants. Et ce n’est pas normal. Cela ne va pas dans le sens du bien-être du cheval et il s’agit même d’une question de santé publique. L’abus fait que les bactéries deviennent résistantes.

  • A quel moment intervient le vétérinaire ?

X.D : Pour ma part, uniquement en cas de maladie. Il y aussi des critères économiques. On ne demande pas une visite vétérinaire sans raison. Après, lorsque l’on parle de champions, il est compréhensible qu’ils subissent un « check up » avant et après une course. Que ce soit par une radio ou une échographie des tendons. On est là pour faire attention et il y a un rôle qui peut être préventif. Mais là on se situe dans le contrôle préventif et on sort de la médication.
Pour résumer, le vétérinaire est nécessaire, mais il ne doit pas être surutilisé ni sous-utilisé.

  • Comment s’articule le travail entre l’entraîneur et le vétérinaire ?

X.D : Tout est discuté. Chacun donne son avis et on échange sur le traitement à prodiguer. Il faut que je connaisse les tenants et les aboutissants du traitement. Il y a une confiance totale entre nous, mais on analyse en fonction de plusieurs points - dont les objectifs du cheval à court terme ou à long terme - les bienfaits que l’on peut espérer du traitement. C’est un dialogue tourné vers les objectifs de carrière et le bien-être.

« Les chevaux de course sont comme des athlètes humains » Gabriel LEENDERS (entraîneur de galopeurs)

Gabriel LEENDERS
Gabriel LEENDERS - entraîneur de galopeurs
  • En quoi la médication peut s’inscrire dans le bien-être équin ? 

G.L : Les chevaux de course sont comme des athlètes sportifs. On leur demande des efforts et pour leur récupération, ils ont des compléments naturels afin de les aider. Pour ma part, mes chevaux voient un ostéopathe tous les mois. La médication et le soin, c’est aussi des massages, la venue d’un dentiste, etc…

  • Quels sont les soins apportés au quotidien au cheval de course ?

G.L : Le matin, j’ai des responsables qui arrivent une heure avant tout le monde et ils sont chargés de faire le tour de l’écurie. Ils leur donnent les aliments, vérifient l’abreuvoir et regardent l’ensemble du cheval au point de vue physique. Une fois que cela est terminé, ils font le bilan et avec mon second on va rechecker les chevaux pour savoir si un soin est nécessaire et si oui lequel. Ensuite le midi, les mêmes responsables repassent pour un second tour.

  • A quel moment intervient le vétérinaire ?

G.L : Le vétérinaire vient deux fois par semaine pour un contrôle régulier. Lorsque l’on a des petits doutes aussi, on prend conseil. Pour les soins apportés, j’ai en règle générale deux vétérinaires de la clinique voisine et deux ostéopathes. L’idée c’est d’avoir plusieurs avis pour valider chaque traitement. Nous sommes tous des êtres humains et il n’est pas évident de tout savoir.

  • Comment s’articule le travail entre l’entraîneur et le vétérinaire ?

 G.L : Il y a une confiance qui doit être établie avec le vétérinaire, c’est obligatoire. Nous sommes là pour alerter lorsqu’il y a un souci de santé et ce sont eux qui nous conseillent pour le traitement à administrer et les délais nécessaires.

« Nous recherchons des produits pour soigner et pas des produits pour améliorer des performances » Hélène PASQUET (vétérinaire)

Le dialogue doit être permanent entre l’entraîneur et le vétérinaire
Le dialogue doit être permanent entre l’entraîneur et le vétérinaire
  • La médication chez les chevaux de course est très contrôlée, quelles sont les conséquences pour le vétérinaire traitant que vous êtes dans votre exercice quotidien ?

H.P : Les chevaux de course sont très contrôlés et c’est quelque chose pour lequel on est averti. Nous sommes donc particulièrement attentifs dans notre pratique. Il y a un échange qui s’établit avec l’entraîneur pour faire en sorte de respecter les délais d’attente avant le retour à la compétition et notamment lorsqu’intervient la déclaration de partants. A cette date, on ne doit retrouver aucune substance dans l’organisme du cheval. Le dialogue doit être permanent avec l’entraîneur en ce qui concerne le programme et les objectifs du cheval. Tout doit être compatible avec la réglementation et en respectant l’état de santé du cheval. Dans le contrôle, l’important est d’avoir une traçabilité des traitements sous forme d’ordonnances qui sont rédigées et confiées aux entraîneurs qui doivent les conserver et pouvoir les produire en cas de contrôle.

  • En quoi la frontière entre la médication et le dopage est-elle parfois ténue ?

H.P : Il faut savoir que lors des compétitions le cheval ne doit avoir dans son organisme aucune substance qui doit influer sur ses performances. Tout cela pour le protéger, à but conservateur, pour son bien-être. Tout doit être éliminé à la déclaration des partants. On a des délais indicatifs que l’on surveille pour certaines substances, qui peuvent parfois être rallongés. Il y a des analyses qui peuvent être faites au laboratoire des courses afin de savoir si le cheval est apte et a éliminé les traitements.

  • Est-ce que le vétérinaire effectue un suivi régulier ou n’intervient que sur demande de l’entraîneur ?

H.P : Cela dépend vraiment de la demande des entraîneurs et de la façon dont ils veulent travailler. On peut tout à fait effectuer un suivi longitudinal et régulier dans un centre d’entraînement, ce qui est à mon sens la meilleure situation. Pour des actes plus spécialisés, on peut aussi intervenir de façon plus ponctuelle.

  • Dans les produits thérapeutiques que vous employez pour soigner les chevaux, quels sont ceux qui pourraient avoir des effets « dopants » ?

H.P : Les substances utilisées dans des produits de soins réguliers peuvent avoir des effets sur la performance. Elles sont dans ce cas autorisées hors engagement dans une course et interdites dès l’engagement. En revanche, certaines substances considérées comme des dopants majeurs – telles que les anabolisants, le TB500, etc… sont à tout moment interdites dans l’arsenal thérapeutique. Dans notre pratique, nous recherchons des produits pour soigner et non des produits pour améliorer des performances.