Fondements et mise en oeuvre
Des responsabilités partagées
En France, la lutte anti-dopage est menée, en coordination permanente, par les Sociétés Mères des courses hippiques, France Galop et Le Trot, et par les Services de l’Etat. Tous partagent une même responsabilité : que les courses soient intègres et exemplaires.
- Les Sociétés Mères veillent à la régularité des courses par le biais des dispositions du code des courses, dont l’application est contrôlée par les Commissaires de course. Les contrôles anti-dopage sont mis en oeuvre, pour le compte des Sociétés Mères, par la Fédération Nationale des Courses Hippiques (FNCH) ;
- Le Ministère de l’Intérieur, par l'intermédiaire du Service Central des Courses et Jeux (ou SCCJ), lutte contre la fraude au moyen de ses pouvoirs et forces de police.
Des enjeux majeurs pour l’Institution
A travers sa politique de lutte anti-dopage, l’Institution des courses défend plusieurs objectifs fondamentaux :
- Préserver le bien-être équin : le cheval doit impérativement être en bonne santé pour s’entraîner ou prendre part à une course. L’absence de médicaments ou d’autres substances dans son organisme au moment de la course constitue un critère objectif de cette bonne santé.
- Garantir une saine compétition et assurer aux concurrents l’égalité des chances ;
- Garantir aux parieurs la probité de la compétition ;
- Assurer la sélection des reproducteurs sur leurs qualités intrinsèques, les courses constituant, pour les races de chevaux concernées, le moyen de sélectionner les meilleurs reproducteurs.
Les principes retenus
Compte-tenu de ces enjeux très forts, l’Institution française des courses hippiques a édicté des règles d’une exigence extrême en matière de lutte anti-dopage : l’administration d’un médicament - et plus généralement de toute substance pouvant avoir un impact sur les différents métabolismes du cheval - est rigoureusement réglementée.
Les Sociétés Mères ont ainsi défini dans leurs codes des courses deux types de substances prohibées :
- Les « dopants majeurs » (anabolisants, facteurs de croissance, EPO…), qualifiés de « substances prohibées de catégorie II », dont l’administration est totalement interdite et qui ne doivent jamais se trouver dans l’organisme d’un cheval de course, que ce soit en course, à l’entraînement, au repos ou même avant le début de sa carrière (élevage).
NB : Dans le cas d’une substance endogène, qui peut être naturellement présente dans l’organisme, des seuils sont fixés par des experts internationaux (exemple : testostérone).
- Les « substances prohibées de catégorie I », qui sont interdites dès lors que le cheval est déclaré partant dans une course. En dehors de ces périodes, leur présence est tolérée dans l’organisme si elle peut être justifiée au moyen d’une ordonnance mais le cheval n’est autorisé à courir qu’après leur élimination. Il s’agit par exemple des substances thérapeutiques pouvant être administrées sur prescription vétérinaire ou des substances naturelles qui peuvent se retrouver accidentellement dans l’alimentation.
Tout traitement administré à des fins thérapeutiques dans le cadre de l’entraînement doit donc l’être de manière transparente (après un examen et une prescription vétérinaire) et ne doit en aucun cas permettre le maintien à l’entraînement de chevaux présentant des affections incompatibles avec celui-ci.
Avant la course, l’organisme des chevaux ne doit receler aucune substance prohibée à partir de la clôture de la déclaration de partants au trot (en général 3 jours avant la course) et 72 heures avant le jour de la course au galop. A la différence de ce qui se passe pour les humains dans le milieu sportif, les médications à usage thérapeutique ne sont pas autorisées en compétition.
En complément, les Sociétés Mères précisent également dans le code des courses des délais stricts pour la réalisation de certains traitements (infiltrations intra-articulaires, traitements antibiotiques, traitements par ondes de choc…). Ces délais permettent notamment de s’assurer que les chevaux ne courent pas sous l’influence de substances ou pratiques qui ne seraient plus ou pas détectables au moment de la course.
Les techniques de dopage évoluent en permanence. Pour rester à la pointe de la lutte anti-dopage, les Sociétés Mères font régulièrement évoluer la réglementation relative à la lutte anti-dopage dans leur code des courses et s’appuient également sur la coopération internationale : les Sociétés Mères sont membres de l’EHSLC (European Horserace Scientific Liaison Committee), un comité chargé d’harmoniser toutes les procédures de contrôle anti-dopage en Europe. Par ailleurs, au sein de la Fédération Internationale des Autorités Hippiques (IFHA), France Galop est membre du conseil consultatif sur le dopage, du sous-conseil sur le dopage génétique ainsi que du Conseil sur le Bien-être équin. De son côté, Le Trot préside la commission « santé et bien-être animal » de l’Union Européenne du Trot (UET).
C’est la rigueur des principes définis par l’Institution des courses françaises en matière de lutte anti-dopage qui explique l’ampleur du dispositif mis en oeuvre. Encore une fois, toute cette stratégie veille à protéger le cheval en tant qu’athlète, les parieurs, les propriétaires et la qualité de l’élevage.
Organisation et traitement des contrôles menés par l’Institution
Plusieurs types de contrôles sont opérés par l’Institution :
365 jours par an, sur tous les hippodromes et dans toutes les courses, l’Institution des courses réalise des contrôles pour vérifier l’absence de substances prohibées dans l’organisme des partants.
A la différence de ce qui se passe dans le milieu sportif, l’objectif est de contrôler toutes les épreuves, sans ciblage de certaines compétitions, car :
- La protection de la santé et la sécurité du cheval athlète constituent des préoccupations prioritaires, quel que soit le moment et le niveau de la compétition ;
- Toutes les courses sont supports de paris ;
- Quelques performances peuvent suffire à conférer à un cheval un statut de reproducteur.
Sont contrôlés à minima, selon un processus très précisément défini et connu de tous :
- Les 5 premiers chevaux à l’arrivée de la course support du Quinté+ ;
- Entre 1 et 2 chevaux par course dans les autres courses.
La désignation des chevaux qui seront contrôlés est faite avant le début de la réunion de courses par les commissaires, à huis clos avec le vétérinaire préleveur. C’est le futur rang d’arrivée qui est choisi dans chaque course. Par exemple « Dans la 1ère course, le cheval qui arrivera deuxième sera prélevé à l’issue de l’épreuve ». Le représentant de l’entraineur est notifié dans l’enceinte des balances, à l’arrivée de la course.
Un cheval ayant un comportement suspect peut également faire l’objet d’un contrôle. Par ailleurs, la majorité des épreuves de qualifications sont contrôlées.
Ces missions de prélèvement sont confiées à des vétérinaires préleveurs et aides vétérinaires salariés de la FNCH et donc indépendants de la Société de Courses organisatrice.
Les opérations de prélèvement ont lieu dans des installations dédiées, conformes à un cahier des charges strict. Elles sont réalisées sous le contrôle visuel de l’entraineur ou de son représentant. Le matériel utilisé est extrêmement spécifique et breveté (par exemple, flacons inviolables). La procédure mise en œuvre assure l’anonymat complet des prélèvements lors de leur arrivée au Laboratoire des courses hippiques ainsi que durant tout le processus d’analyse.
L’Institution réalise également des contrôles sur les chevaux de façon inopinée :
- Dans les centres d’entrainement (444 établissements en 2023). Plusieurs chevaux sont alors contrôlés, qui peuvent ou non être engagés dans des courses dans les 3 jours à venir. Ces contrôles ont représenté 1660 prélèvements ;
- Chaque semaine sur plusieurs hippodromes dans le cadre d’opérations spécifiques (219 missions en 2023) où certains partants sont testés dès leur arrivée sur site ou dans les quelques heures qui précèdent la course. Ces opérations ont généré 729 prélèvements avant course en 2023.
- Dans le cadre de certaines courses où les partants font l’objet de prélèvements particuliers visant à déceler des substances dont le délai de détection est extrêmement court comme le bicarbonate de sodium. L’administration forcée de cette substance permet de neutraliser temporairement les effets de la fatigue musculaire chez le cheval (643 prélèvements en 2023).
- Préalablement à certaines courses qui font l’objet d’un contrôle de tous leurs partants dans les trois jours précédant la course. 289 prélèvements ont ainsi été réalisés en 2023 dans ce cadre.
- À l’élevage ou en sortie provisoire d’entrainement (période de repos). En 2023, 103 chevaux et poulains différents ont été contrôlés dans 23 établissements à l'élevage et 43 chevaux en sortie provisoire. Depuis 2018, des prélèvements de crins sont réalisés en plus des prélèvements de sang lors des contrôles à l’élevage ce qui permet d’augmenter la fenêtre de détection de certaines substances.
Le Trot réalise également, en exclusivité mondiale dans le domaine des courses hippiques, un suivi longitudinal pendant un an sur un groupe de chevaux (10 en 2023 - 2024) sélectionnés sur leurs gains obtenus lors de l’année n-1.
Ces chevaux font l’objet de prélèvements tous les mois à l’entrainement ce qui permet une surveillance plus poussée : en complément des techniques utilisées habituellement sur les autres prélèvements, les échantillons du suivi longitudinal sont également soumis à des analyses innovantes faisant notamment appel à la biologie moléculaire. Cette méthode permet une approche indirecte du contrôle anti-dopage en appréciant le retentissement des substances prohibées sur certains paramètres biologiques plutôt que de rechercher les traces de la molécule elle-même. Les analyses répétées sur une longue période permettent un traitement statistique des données et la détection de variations qui peuvent être le signe de dopage.
Au total 28 495 prélèvements ont été réalisés sur les chevaux de course en 2023 dont 24 243 en courses.
C’est presque trois fois plus que le nombre de contrôles réalisés auprès de sportifs humains dans le cadre du programme annuel de contrôles de l'AFLD (10 212 en 2022).
Ces contrôles sont réalisés par une équipe de vétérinaires préleveurs agréés par la FNCH (44 vétérinaires), assistés de leurs aide-vétérinaires (environ 70 personnes). Leurs missions sont encadrées par la FNCH.
Pour chaque prélèvement de substrat (sang, urine, crin…), le Laboratoire des Courses Hippiques reçoit deux échantillons : un échantillon A qui est analysé immédiatement et un échantillon B qui est conservé pour permettre une deuxième analyse dans l’hypothèse où le prélèvement se révèlerait positif.
Au sein du laboratoire, les prélèvements transitent de façon anonyme à travers 18 lignes analytiques spécialisées selon les caractéristiques physico-chimiques des substances recherchées.
Si une substance est mise en évidence, le prélèvement fait l’objet d’une analyse complémentaire pour confirmation. En cas de détection positive, l’anonymat imposé par les procédures est levé en présence d’un huissier afin de mettre en relation les informations du certificat de détection positif et le procès-verbal saisi par le vétérinaire préleveur sur le lieu de prélèvement. Une enquête de terrain est alors systématiquement diligentée pour déterminer l’origine de la détection positive, en recueillant auprès de l’entraineur toutes les informations justificatives et en réalisant si nécessaire des prélèvements complémentaires. L’entraineur a 7 jours pour décider ou non de la réalisation de l’analyse de l’échantillon B. Celui-ci est alors confié à un autre laboratoire agréé par les Sociétés Mères (à l’étranger) ou réalisé à nouveau par le Laboratoire des Courses Hippiques en présence d’un expert indépendant agréé.
A noter que, chaque année depuis 2014, un certain nombre d’échantillons sont conservés afin de pouvoir être soumis à des analyses rétrospectives dans un délai de 10 ans suite à la réalisation du prélèvement. Les Sociétés Mères se donnent ainsi la possibilité de pouvoir profiter des évolutions des techniques d’analyse.
56 cas positifs ont été détectés en 2023 sur un total de 28 495 prélèvements ce qui représente 0,19% de positifs.
Sanctions encourues
L’Institution des courses sanctionne systématiquement les infractions relevées.
Toute détection positive entraine l’ouverture d’une enquête par les commissaires de la société mère concernée. L’entraineur et le propriétaire sont invités à formuler leurs observations. Ces acteurs se réunissent ensuite dans le cadre d’une Commission de 1ère instance. Après décision des commissaires de la Société Mère, l’entourage du cheval a, selon les disciplines, entre 4 et 10 jours à compter de la publication pour faire appel devant une commission d’appel.
Les sanctions encourues varient selon la nature de la substance, le caractère intentionnel ou non de son administration et l’existence ou non d’une récidive :
Sont systématiquement opérés :
- L’exclusion du classement (disqualification au Trot) du cheval et le retrait de l’allocation,
- La publication de la décision au Bulletin Officiel,
- Une interdiction de courir pour le cheval, plus ou moins longue selon la nature de la substance (systématique au trot, possible au galop) ;
En outre, l’entraîneur s’expose à des sanctions financières (jusqu’à 45 000€ au galop et 100 000 € au Trot) et peut voir son agrément suspendu ou retiré.
L’ordonnance 2019 – 1005 du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d’argent et de hasard prévoit en outre des peines pouvant aller jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende en cas de violation des règles antidopage.
Action du Service Central des courses et des jeux
Compte-tenu de l’évolution permanente des techniques de dopage, il existe en effet certaines pratiques que les meilleurs laboratoires équipés des meilleurs outils ne peuvent déceler. Il est alors nécessaire de compléter le dispositif de prévention et les analyses scientifiques mis en œuvre par l’Institution des courses avec un travail d’enquêtes policières.
La collaboration est donc permanente entre les équipes de l’Institution, du Laboratoire et du Service Central des courses et jeux de la police judiciaire. Le responsable du Service Central des courses et des jeux, siège d'ailleurs au Conseil d’administration du Laboratoire depuis janvier 2023.